La lettre de mai 2025
Abords du tram et de la véloroute dans la ZAC : ne créons pas un quartier sous « couvre-feu »
Il y a plus de dix ans, l’État a validé l’urbanisation du secteur situé entre la RD 35 et la rue de Meyrin. Cette validation a été assortie d’une DUP (Déclaration d’utilité publique). Plus récemment, l’État a labellisé la ZAC dans le dispositif « Territoire engagé pour le logement ». Ces choix doivent être assumés collectivement. Or, les « injonctions » environnementales comportent parfois des prescriptions totalement contradictoires.
À la création de la ZAC Ferney-Genève Innovation, aucun projet de tram n’était prévu. La validation du tram des Nations dans le Projet d’Agglomération 4 (période 2024-2028) offre de nouvelles perspectives à notre territoire et oblige néanmoins à une nouvelle étude concernant ce quartier désormais naissant. Cette étude d’impact préconise un grand nombre de mesures, celles-ci sont soumises à enquête publique. Vous pouvez consulter l’ensemble de ces documents et donner votre avis ici: https://www.registre-dematerialise.fr/6137/
Dans ma contribution, je rappelle que la sûreté et l’animation urbaine passent aussi par un éclairage nocturne adapté le long du tram, des cheminements piétons et de la véloroute : ni obscurité anxiogène, ni gaspillage lumineux, mais une lumière raisonnée qui évite de transformer ces futurs quartiers en zone de « couvre-feu ».
Urbaniser un secteur aussi vaste porte nécessairement atteinte aux milieux naturels. Les quartiers de Paimboeuf et Très-la-Grange, avec une densité moyenne de 200 à 250 logements par hectare, accueilleront à terme plus de 5 000 habitants ; cela crée forcément un impact sur l’environnement. Néanmoins, les futurs habitants de ces quartiers, tout comme les usagers qui y prendront le tram, ont droit à la praticité et à la sécurité ; en aucun cas ils ne devront subir un effet « couvre-feu ».
On ne peut donc pas imaginer que les cheminements ne soient pas éclairés à la tombée de la nuit et au lever du jour. C’est pourtant ce qui est préconisé pour le terminus du tram au Bisou (pp. 50-51 du document « Étude d’impact du tramway des Nations ») : pas d’éclairage entre les quais et le P+R. Ce n’est évidemment pas raisonnable, ni l’été… et encore moins l’hiver. Rappelons, si besoin, que dans notre région il fait nuit, cinq mois par an, lorsque les gens partent et rentrent du travail… Comment peut-on encourager le report modal en plongeant les passagers « intrépides » dans le noir complet ? Pour l’arrêt « Allée de la Tire », qui doit respecter la trame noire (p. 102), aucun éclairage public ne semble prévu non plus.
Par ailleurs, du fait de la restriction du nombre de places de parking dans la ZAC, au moins 30 % des habitants devront laisser leur voiture jusqu’à 300 m de leur logement. Comment justifier qu’on oblige un parent — chargé de provisions, tenant ses enfants par la main — à traverser, après la tombée de la nuit, un parcours parfois mal (ou pas) éclairé pour rentrer chez lui ? Une telle configuration fait peser une contrainte disproportionnée, et un risque non négligeable, sur des usagers potentiellement vulnérables.
Le tram constitue une avancée majeure en termes de mobilité collective pour la ville et les communes voisines, avec 15 000 passagers potentiels par jour. Tout doit être fait pour encourager son utilisation en considérant la protection de l’environnement comme un enjeu global (moins de voitures sur les routes grâce à cet équipement) plutôt qu’en empilant des contraintes localisées (en l’espèce, pour protéger les chauves-souris).
Le document précise également que l’allée historique de la Tire, qui longe le Nant, ne bénéficiera d’aucun éclairage (p. 102). C’est problématique, car elle sera structurante pour les piétons. S’il est évident que la ripisylve doit être considérée comme une réserve de biodiversité « résiduelle » (insectes, oiseaux, petits mammifères, batraciens, chauves-souris), il faut rester pragmatique : on pourrait, par exemple, installer un éclairage saisonnier (fonctionnant de l’automne au printemps) de manière intermittente (avant le lever et après le coucher du soleil jusqu’à 22h00) afin de permettre aux habitants de traverser le quartier en toute sécurité.
Créer une véloroute urbaine sans la doter d’un éclairage public… pas question!
Enfin, concernant la véloroute qui traverse tout le bas du quartier le long de la D 35, il est précisé qu’elle ne sera pas éclairée (p. 102)… Là encore, c’est un choix à revoir impérativement ! Cet axe permettra, à terme et en site propre, la liaison entre Ferney et Saint-Genis-Pouilly, ainsi qu’entre Ferney et le centre de Genève. On mesure dès lors combien il sera emprunté, été comme hiver, jour et nuit, par des cyclistes mais aussi par des piétons, avec le risque d’accidents entre les deux usages. Ici encore, la protection de l’environnement doit être appréhendée comme une politique globale, et non comme un enjeu purement local ; des aménagements cyclables et piétonniers sûrs et fonctionnels encouragent leur usage et réduisent donc la part de la voiture.
Deux analyses de besoins sociaux conduites par le CCAS en 2016, puis en 2023, montrent que Ferney-Voltaire est une ville qui souffre d’un manque d’attachement de ses habitants. Les choix en matière d’urbanisme contribuent à faire d’une rue, d’un quartier, un lieu de vie plaisant ou un dortoir sans intérêt. S’il est difficile d’inverser une tendance dans un lieu déjà urbanisé, ne pas prendre en compte la « qualité de vie » dans un secteur que l’on s’apprête à construire serait, en revanche, une faute.
Soyons fermes : l’éclairage des cheminements piétonniers et cyclables doit être repensé dès maintenant, en amont des travaux. En effet, les futurs habitants et usagers du quartier exigeront — à juste titre — ces équipements ; s’ils ne sont pas prévus aujourd’hui, il faudra les installer plus tard, pour un coût nécessairement plus élevé et alors entièrement supporté par la ville de Ferney.
Pour finir, le choix du tracé du tram dans la ZAC fait débat… Grâce à cette enquête publique, de nombreux Ferneysiens découvrent finalement le tracé et regrettent qu’il franchisse le Nant par le bas de l’allée de la Tire, l’éloignant ainsi d’une desserte plus directe du centre-ville historique. Le sujet a pourtant été tranché il y a déjà 5 ans par un vote du Conseil Communautaire. À l’époque, en amont, les élus de Ferney avaient plaidé pour un tracé passant sous le Châtelard. La résurgence de la controverse montre que l’information et la concertation ont été (peut-être) insuffisantes.